Rencontre
avec Fernando Cruz
par Jose Maria Puertas
Quelque
part dans la Mancha, dans un endroit donc le nom ne me revient pas…
Nous avons rendez-vous avec un être honnête, fier de ses principes et
honorable, entre autres qualités. Bien que ces valeurs aujourd'hui servent
peu, car le monde des toros se meut dorénavant selon d'autres critères.
Comme le disait le Tio Monaguillo " les plus honnêtes, ce sont les toros
qui les tuent ".
Ces valeurs sont les mensonges, les promesses non tenues, les marchés
occultes dans les bureaux, les changements d'images, les sans-vergognes,
la fausseté, celui qui triomphe et qu'on ne retient pas pour l'année
suivante, etc etc.
Dur,
très dur est le chemin de Fernando Cruz, parfois incompris, jusqu'à
ce 15 août de sang qui le laissa sur le sable de Las Ventas, mais Fernando
s'accrocha à la vie comme un véritable spartiate. Si quelqu'un me demande
"est-ce que cela a servi à quelque chose?" je lui répondrai
que oui, cela a servi pour le torero et pour celui qui est amoureux
de cette profession, pour être sûr d'être dans l'oubli des anti-taurins
et dans l'oubli des petits aficionados-touristes. Certains savent tirer
parti de leurs coups de cornes, et d'autres moins.
C'était
le premier test de vachettes auquel participait Fernando Cruz, depuis
que les projecteurs se sont éteints et tous sortirent de l'arène. Le
torero et moi nous assîmes sur le marche-pied, et notre conversation
a commencé là.
Fernando,
que reste t'il du gamin qui était à l'école taurine et rêvait de devenir
torero ?
Fernando
Cruz (sourit) : il reste beaucoup de choses, au final je suis le
même, même si le temps, selon le vécu de chacun te marque positivement
mais aussi négativement. Je tente d'être le plus positif possible, en
suivant le même chemin que depuis mes débuts, toujours dans l'honnêteté,
honneur, d'être fidèle à mes principes, il faut toujours faire valoir
cela. Ce sont des valeurs que je porte en bannière, et pour cela je
crois que j'ai la tendresse et la reconnaissance des aficionados et
de mes compagnons, pour ces raisons.
Depuis
la grave cornada que tu as eu dans les arènes de Madrid, ce terrible
15 août, qui a failli te coûter la vie, et après une dure, très dure
récupération, tu es réapparu pour la 1ère fois à Valdemorillo, en vert
et or, devant les toros de Victorino Martin, et tu es sorti en triomphe
par la grande porte. Quelles sensations ?
Fernando
Cruz : Pour moi c'était un jour spécial, très spécial, imagine toi,
revenir à m'habiller de lumières, quelques temps après avoir pensé que
je quittais ce monde, imagine : m'habiller de nouveau en torero ! C'est
ce que j'avais rêvé depuis tout petit, être torero, être matador de
toros, j'avais l'opportunité de toréer.
Ces moments là sont un prix à l'effort, au sacrifice, c'est un hommage
aux gens qui m'ont soutenu durant tant de temps dans des moments compliqués.
La sensation de ce jour fut belle, tout le monde m'attendait les bras
ouverts, l'ovation qui m'a saisi à la sortie, ce fut quelque chose de
très, très très émouvant, je m'en souviendrais toute ma vie.
Tu
as triomphé à Valdemorillo en 2013, et tu n'es pas à l'affiche de la
féria de 2014. Nous devrions parler de la politique de cohérence, comme
dans certains endroits, par exemple en France, où celui qui triomphe
est répété l'année suivante, c'est mathématique.
Fernando
Cruz : la vérité est que oui, par disgrâce la philosophie de l'organisation
dans ce cas n'est pas que celui qui triomphe répète. Moi je ne le savais
pas, jusqu'à ce qu'ils ne m'appellent pas l'année suivante, mais c'est
vrai qu'ils avaient fait le même coup à mon compagnon Serafin Marin.
C'est vrai que ça fait mal, surtout quand tu as fait une prestation
dont on a beaucoup parlé, comme je te l'ai dit, tu arrives à toréer
avec tes tripes, tu donnes tout, c'est un effort si grand, devant des
Victorinos, la corrida est télévisée, tu sors en triomphe, et tu te
dis que la répercussion au niveau médiatique va être immense. Et puis
non, rien, mais c'est la philosophie de l'organisateur, tout est respectable.
Depuis
Valdemorillo tu as toréé le dimanche de Résurrection dans les arènes
de Madrid, avec Leandro et Sergio Aguilar devant des toros de Peñajara,
et la corrida fut suspendue pour cause de pluie. C'était une après-midi
importante, non ?
Fernando
Cruz : si, il me semblait qu'il était là à dessein ce dimanche de résurrection,
où je revenais dans les arènes qui m'ont vu naître, la vérité est que
c'était un moment très important pour revenir à Madrid. Une belle après-midi
pour donner un signal d'attention. C'était très important au niveau
personnel, et au final, ça n'a pas marché, je n'ai pas pu toréer, l'organisation
m'a dit qu'on recommencerait avec la même affiche, mais ça ne s'est
pas fait. Il y a des choses qu'il faut accepter, et les prendre comme
elles viennent.
Je
pense que les organisateurs ne respectent pas ce que tu as gagné devant
les toros.
Fernando
Cruz : Je sens beaucoup d'affection et de respect de la part de
l'aficion et des professionnels. Les organisateurs, je ne sais pas s'ils
me respectent au niveau professionnel. Je veux être un torero important
pour avoir fait des choses devant les cornes des toros, c'est comme
ça depuis mes débuts en novillada, j'ai toujours tout donné, les toros
m'ont beaucoup châtié, je ne sais pas si cela entre en ligne de compte,
ce qui est sûr c'est qu'au moment de faire les programmes, on ne m'y
met pas, et je voudrai y être pour toréer.
Cette
cornada à Madrid, fut brutale, tu t'es débattu entre la vie et la mort,
puis est venue la dure récupération physique. Pardonne-moi l'expression,
mais je crois que tu es sorti renforcé de cette blessure.
Fernando
Cruz : c'est comme pour tout (il sourit), le métier qui rentre.
En vérité il y a des moments où j'étais vraiment très très mal. Quand
on est châtié comme moi depuis mes débuts en novillada, on sait que
le toro peut te prendre à n'importe quel moment et te retirer du milieu,
cette profession est si réelle comme je te l'ai dit. Personne ne pense
que ça ne lui arrivera jamais. Dans mon cas ce n'était pas seulement
le coup de corne, c'était la seule corrida que j'avais en 2013, l'année
d'avant j'en avais seulement toréé une, et en 2011 seulement trois.
J'ai parfois pensé, tant de luttes, tant de vérité, c'est comme re-hypothéquer
ta maison à chaque fois, pour poursuivre mon rêve, et quand l'opportunité
se présente il t'arrive ça.
Et ce n'est pas que j'ai perdu la foi, parce que je suis quelqu'un qui
a toujours cru en Dieu, et je considère qu'il m'aide beaucoup, surtout
à mes débuts, qui furent très compliqués. Et je me suis dit cela quand
j'ai commencé à être torero, quoi que je fasse, tout ce que j'ai fait
jusqu'à aujourd'hui, je n'aurai pas pu, je suppose que je n'aurai rien
fait de tout ça sans la foi.
En vérité, ce coup de corne, je l'ai très mal vécu, mais je pense qu'il
s'agit d'une opportunité nouvelle que me donne Dieu, et ce que je fais
aujourd'hui au maximum est de me régaler de ma profession. Ne pas aller
à la guerre, et un toro qui m'accepte et devant qui je peux m'exprimer
comme torero, prendre du plaisir, trouver la limite correcte, mais surtout
me sentir torero et me régaler, pour moi, c'est une chose que je ne
faisais pas avant.
Fernando,
qu'attends tu de la saison 2014 ?
Premièrement
je ne vais pas sortir en habit de lumières, je n'ai rien, là c'est le
second test de l'hiver, quelques festivals. J'ai surtout l'espoir que
pourrait sortir une corrida de toros, je continue de m'entraîner, répéter,
pour toujours me sentir torero et pour être préparé, au cas ou. Essayer
chaque après-midi de prendre de bonnes sensations devant le taureau
est ce que je cherche chaque jour, pour qu'au moment où on m'annonce
à Madrid on puisse compter sur moi.
Bonne
chance, torero.
Fernando
Cruz : merci beaucoup, c'était un plaisir.
Fernando
a depuis coupé deux oreilles et une queue lors d'un festival.
On lui souhaite tout le succès possible.
Traduction
libre, isa du moun
Module
de Commentaires